Le Figaro du 26.02.2004
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Chaque jour qui passe apporte une information nouvelle. Le projet de rachat de Disney par Comcast est un feuilleton dont les rebondissements semblent savamment orchestrés par les protagonistes. Ainsi, hier on apprenait incidemment que le câblo-opérateur était prêt à réévaluer son offre à la hausse. Il ajoute 27 milliards de plus aux 60 milliards de dollars de l'offre initiale. La nouvelle provient de la banque d'affaires Merrill Lynch, par ailleurs conseiller de Comcast. Difficile donc d'imaginer que Brian Roberts, le dirigeant de Comcast, n'ait pas été prévenu de cette fuite, s'il n'en est pas lui-même à l'origine.
Distillées dans la presse au goutte-à-goutte, les informations sont amenées au grand public, progressivement, pour préparer une cession qui devrait être bouclée bien avant le 3 mars, date à laquelle les actionnaires de Disney se réuniront. Présentée au début comme une OPA hostile, l'opération est en train de changer d'image pour devenir amicale.
Premier épisode du feuilleton, sous forme de coup d'éclat : Comcast présente son offre de rachat le 11 février dernier. Il est dit du côté de Comcast que Michael Eisner refuse les négociations. Les rôles sont établis : le président de Disney se présente comme le plus ferme opposant au rachat de son groupe par le géant de Philadelphie. Mais pour résister au mieux à ce qui semble être une attaque, Michael Eisner donne l'impression de devoir rassembler ses troupes derrière lui. Et ce, dans un contexte très particulier. Le neveu et héritier de Disney, Roy, accompagné de Stanley Gold, mène une bataille de longue haleine contre lui pour tenter de l'écarter définitivement du pouvoir.
C'est sur ce fond de dissensions que le conseil d'administration va refuser, le 16 février, l'offre de Comcast, en faisant en apparence bloc derrière son patron. Le montant de la transaction n'est pas assez élevé, selon ses membres. Dès lors, Brian Roberts affiche un désintérêt suspect en déclarant que si Disney place la barre trop haut, il abandonnerait. Le 19, à la surprise générale, Robert Iger, le directeur financier et bras droit d'Esner, demande à Comcast de revoir sa proposition. Le conseil d'administration sera «ouvert et plein d'égards», indique-t-il.
Désormais, les vrais détracteurs de la fusion sont Roy Disney et Stanley Gold. «Ce dont Disney a besoin maintenant, ce n'est pas nécessairement d'un nouveau propriétaire mais d'une nouvelle direction. La recherche par le conseil d'administration de hauts responsables de qualité devrait démarrer immédiatement», déclare Roy Disney dans une lettre publiée suite à une interview exclusive donnée au Wall Street Journal le 20 février.
L'héritier, ex-membre du conseil d'administration, qui possède encore 1% dans Disney, ne voit plus en Comcast un allié pour descendre Eisner. Pire, il semblerait que ce dernier ait fait alliance avec le câblo-opérateur pour conserver le pouvoir au sein de la structure. Dès lors, Michael Eisner décide de porter le fer et de répondre aux attaques publiquement : il donne une interview à Larry King sur CNN puis organise, mardi dernier, une conférence téléphonique avec son équipe.
Il semble clair désormais que le président de Disney a entamé très tôt des négociations avec Comcast. Et les termes du contrat pourraient bien être largement connus avant la réunion des actionnaires du 3 mars.