Le Point: la malédiction d'eurodisney

Démarré par nikos3, 06 Août 2004, 01:09:48

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nikos3

Sur le site de Le Point...un article trés intéressant sur la valse des P.D.G.

CitationLa malédiction d'Euro Disney

Les PDG se succèdent à la tête du premier site touristique d'Europe, sans parvenir à rentabiliser le parc. Les créanciers s'impatientent. Ils viennent d'accorder un nouveau sursis, pour éviter la cessation de paiement -

Capucine Lorain

« Faisons vivre la magie. » André Lacroix, le PDG d'Euro Disney, a bien du mal à faire partager son optimisme à ses banquiers. La situation financière du groupe est catastrophique et l'action reste collée au plancher. Depuis quatre mois, Lacroix négocie pied à pied pour obtenir de nouveaux crédits, sans lesquels il serait en défaut de paiement. Les gros actionnaires (The Walt Disney Company et la Caisse des dépôts) sont prêts à faire un effort, de même que les banquiers chefs de file, la BNP et Calyon. Mais de nombreux petits créanciers, notamment des hedge funds anglo-saxons, se font tirer l'oreille. Le 2 août, Euro Disney a annoncé avoir obtenu un délai supplémentaire de deux mois, tout en n'excluant pas un accord à plus brève échéance. L'opération de survie est lancée.

« J'ai besoin de votre aide. » C'est ainsi qu'il y a un an André Lacroix, fraîchement arrivé, s'adressait à ses 12 500 salariés - pardon, cast members. Histoire de les motiver, il invitera même les artistes maison à composer une chanson (« Need Magic ! ») éditée en CD. Comme s'il suffisait d'une chanson pour redresser Euro Disney... La filiale à 39 % de The Walt Disney Company est plombée par les investissements colossaux réalisés pour l'ouverture du parc à la fin des années 80. Et pompée par les royalties qu'elle doit verser à la maison mère (7 % des revenus !), elle aussi mal en point.

En 2003, le parc a attiré 12,4 millions de visiteurs, ce qui est plutôt fantastique et fait d'Euro Disney la première destination touristique d'Europe. Et pourtant, cela ne suffit pas à assurer la rentabilité du groupe. Pour cela, il faudrait 17 millions de visiteurs. La crise du tourisme provoquée par les risques d'attentats et l'ouverture d'hôtels dans le voisinage du parc concurrençant ceux de Disney ont fait baisser le chiffre d'affaires de 1 % en neuf mois. Mais cela n'est rien à côté du second parc sur lequel les Américains ont misé à fond. The Walt Disney Studio, consacré au cinéma, a ouvert en mars 2002 pour donner un nouveau souffle à l'entreprise. La déception a été à la mesure des espérances : ce parc a attiré 2 millions de visiteurs l'année dernière, presque trois fois moins que prévu (voir encadré) ! Pas étonnant, donc, que les résultats du groupe soient désastreux : les pertes pour le premier semestre de l'exercice (2003-2004) se sont élevées à 109 millions d'euros, soit près du double de l'exercice précédent (56 millions). Année après année, Euro Disney traîne sa dette (2,4 milliards d'euros !) comme un boulet. L'accord souhaité par Lacroix porte sur une augmentation de capital (250 millions d'euros), une nouvelle ligne de crédit (150 millions) et des reports d'échéances.

Sur le modèle américain

André Lacroix est-il l'homme de la situation ? Réussira-t-il là où ses nombreux prédécesseurs ont échoué ? Il semble bien, en tout cas, que pèse sur les PDG d'Euro Disney une sorte de malédiction. En douze ans, quatre se sont épuisés à la tâche, soit une espérance de vie moyenne de trois ans pour chacun. Et on ne parle pas de la valse des directeurs financiers et des responsables du marketing. Tous sont arrivés bourrés d'idées. Aucun n'a réussi.

Robert Fitzpatrick, un Américain pur souche, a présidé au lancement du parc en 1992. Il s'est appliqué à copier minutieusement le modèle américain sans l'adapter à la France (alors même qu'à l'époque les Français représentaient tout de même 40 % des visiteurs !). Outre-Atlantique, les billets se vendent à l'entrée du parc : eh bien, il en sera de même dans la Seine-et- Marne ? Erreur ! « Aux Etats-Unis, les Américains prennent un logement qui leur permet ensuite de faire le tour des parcs de la région, explique Jacques Boeuf, DG de Thomas Cook Voyages. C'est pour cette raison que les billets sont majoritairement achetés à l'entrée. En Europe, ça ne se passe pas comme ça. Pour venir à Euro Disney, on réserve à l'avance, par le biais d'une agence de voyages, des packs qui comprennent hôtel, transport et accès au parc. » Robert Fitzpatrick se démarque si peu du modèle américain qu'il va jusqu'à interdire les alcools dans les restaurants : les Français se retrouvent donc condamnés au Coca-Cola. Barbes à papa et pommes d'amour sont également bannies du paysage pour ne pas tomber dans l'esprit « fête foraine », au grand dam des Francais, particulièrement friands de ces sucreries...

Dépenses inconsidérées

Les années Fitzpatrick resteront surtout celles du gâchis, de la folie des grandeurs. « Il dépensait à tort et à travers, des chars de parade partaient à la poubelle au bout de six mois d'existence... On se demandait presque s'il ne faisait pas exprès de jeter l'argent par les fenêtres », se souvient, amer, Eric Bar, secrétaire général du syndicat Force ouvrière. Moins d'un an après son arrivée, les Américains l'invitent à faire sa valise.

Quand Philippe Bourguignon prend les commandes du groupe, en 1993, les Américains sont sûrs d'avoir déniché la perle rare. Ils comptent sur lui pour remplir, enfin, les poches de Mickey. C'est que les dépenses inconsidérées de son prédécesseur ont déjà mis le groupe en danger. Bourguignon s'en sort in extremis, grâce à une restructuration et au soutien quasi providentiel du richissime prince saoudien Al-Waleed. Sonne aussi l'heure du premier plan social. Philippe Bourguignon, qui multiplie les événements pour s'attirer les faveurs des médias, dégage une fabuleuse énergie. En ouvrant en 1995 Space Mountain, devenue une attraction vedette, il redore le blason du parc et lui insuffle un nouveau dynamisme. Mais la situation financière ne s'améliore toujours pas.

Le passage de son successeur, Gilles Pélisson, arrivé en 1997, n'a pas laissé beaucoup de traces. « Il a travaillé dans l'ombre, poursuivant la politique de restructuration financière de son prédécesseur, mais n'a jamais motivé ses troupes avec un vrai projet novateur », observe un salarié. Pendant son mandat, les bénéfices sont au rendez-vous, mais Euro Disney ne parvient toujours pas à faire exploser le nombre d'entrées. Gilles Pélisson utilise une bonne partie de son mandat à travailler consciencieusement au projet d'ouverture d'un second parc, consacré au cinéma. « Sa principale erreur a été de travailler à fond sur le projet sans être sûr que ce nouveau parc créerait une demande additionnelle », analyse cet ancien cadre.

En 2001, le siège de Los Angeles envoie un de ses hommes au front, un Américain bien sûr, Jay Rasulo. Il ne fera qu'un passage éclair. Un peu comme Fitzpatrick, il reprendra les recettes qui ont fait leurs preuves outre-Atlantique. Il sait que les Américains aiment passer une petite semaine dans les parcs à thème. Pour lui, la construction du second parc constitue une aubaine pour remplir les hôtels que possède le groupe en bordure du parc. « Jay Rasulo ne s'est pas préoccupé de la qualité du second parc et n'a pas tenu suffisamment compte des mentalités. Vous connaissez beaucoup d'Européens qui aiment passer trois jours consécutifs dans des parcs d'attractions ? » s'interroge Eric Bar. Autre erreur, avoir délaissé dans le premier parc pour se concentrer sur le second : « Il n'y a pas eu de grandes nouveautés dans le premier parc depuis Space Mountain », souligne Virginie Blin, analyste chez Fideuram Wargny.

Cette valse incessante de PDG n'a pas seulement provoqué des ondulations dans la stratégie d'Euro Disney. Elle a aussi démotivé l'armée des petits soldats de l'oncle Picsou. « Les salariés sont noyés, perdus, se plaint un employé. Il y a trop de chefs d'équipe, de managers, ce qui entraîne une dilution du pouvoir. Pour les PDG, c'est pareil... La moitié des salariés ne savent même pas comment s'appelle leur patron actuel ! »

17 millions de visiteurs...

André Lacroix sera-t-il donc l'homme providentiel ? Le plus jeune PDG - il a 44 ans - qu'Euro Disney ait jamais eu ne paraît pas rebuté par la tâche. Inconnu au bataillon, André Lacroix ? En France, peut-être, mais certainement pas à l'étranger. Cet énergique patron a fait ses premières armes dans des filiales étrangères de groupes américains. Son dada, c'est le marketing : après un passage chez Colgate-Palmolive puis chez Pepsi-Cola, André Lacroix gravit tous les échelons chez un des rois mondiaux du hamburger, Burger King, où il sera promu directeur à l'international et basé à Munich. La culture américaine, il baigne dedans !

« Il est à la bonne place, car il a une expérience de marketing et connaît bien le marché européen », confirme l'analyste Virginie Blin. Mais sa vraie force, peut-être, c'est d'être convaincu du potentiel d'Euro Disney : « Le resort dispose vraiment d'un potentiel de 17 millions de visiteurs. » Pour atteindre cet objectif, Euro Disney compte profiter de la formidable dynamique des parcs de loisirs en France. « C'est un secteur en pleine croissance », confirme un professionnel des espaces de loisirs, d'attractions et culturels.

Le nouveau patron s'est donc mis en quête de nouveaux clients dans toute l'Europe. En janvier, il a lancé de vastes campagnes de communication dans six pays : la France, bien sûr, mais aussi les Pays-Bas, l'Angleterre, la Belgique, l'Allemagne et l'Espagne. Son idée est d'attirer tous ceux qui jusqu'ici n'ont jamais fait le voyage. Les first-timers, comme on dit. Les études montrent, en effet, que tous les visiteurs qui se sont aventurés une première fois à Marne-la-Vallée y reviennent !

Retour à la magie ?

Autre astuce, essayer de faire rester plus longtemps ceux qui ont fait le déplacement. Une des premières mesures a été la création du billet Passe-partout. Pour 49 euros (contre 78 précédemment), le client peut passer du premier parc au Walt Disney Studio. Autre signal fort, instaurer des forfaits « une nuit, deux jours » abordables financièrement. Ou encore proposer des activités annexes : ouverture de nouvelles boutiques, création d'une école de foot, Manchester United, équipée de formateurs anglais, mise en place d'un parcours de loisirs dans les arbres... « L'idée est que les clients passent un séjour touristique complet sur le site d'Euro Disney : attractions, mais aussi sport, et pourquoi pas visites des alentours. N'oublions pas que nous accueillons sur le site les touristes qui veulent aussi visiter Paris », précise Lacroix.

Enfin, le PDG veut mettre le paquet, redonner tout son lustre au parc historique. « Il opère un retour aux fondamentaux, alors que ses prédécesseurs avaient plutôt dispersé leurs forces », observe un ancien cadre du département financier. Le nouveau spectacle « La légende du roi Lion », lancé début juillet, s'inscrit dans la logique de relance. Dérivé du film qui a été vu par 170 millions de personnes dans le monde, il sera proposé cinq fois par jour par deux troupes. Disney a fait appel à l'Australien Craig Revel Horwood (« Miss Saigon », « West Side Story », « Martin Guerre » à Londres) pour retracer les exploits de Simba.

André Lacroix n'exclut pas non plus de lancer de nouvelles attractions vedettes. « Nous travaillons le sujet », se contente-t-il d'annoncer. Bref, il agit comme s'il était sûr de vaincre le signe indien qui semble s'acharner sur les PDG d'Euro Disney. Reste à savoir s'il sera assez... sioux

Walt Disney Studio : un flop 
La filiale de The Walt Disney Company n'a pas hésité à mettre sur la table 610 millions d'euros pour s'offrir Walt Disney Studio, parc qui devait apporter un nouveau souffle au site de Marne-la-Vallée. Cascades, explosions et trucages : ouvert en grande pompe en mars 2002, ce second parc avait été appelé de ses voeux par Michael Eisner, le PDG de TWDC. Deux ans après son ouverture, c'est un échec financier et industriel. Il n'a jamais apporté la vague de visiteurs escomptée et a encore davantage alourdi la dette du groupe. Pis, il est venu phagocyter une partie de la clientèle du premier parc : « Au lieu de se rendre dans les deux parcs, certains visiteurs choisissaient entre les deux, puisque chaque entrée avait été établie au même prix : 39 euros », indique un ancien salarié du groupe. Enfin, ce second parc consacré au cinéma était censé, avec de nouvelles attractions, apporter une bouffée d'oxygène au site. Là encore, les clients ont été déçus puisqu'il ne propose que 10 attractions, contre 43 pour le premier. Et aucune de l'envergure de Space Mountain...C. G.




1992-2002 : la valse des PDG 
Robert Fitzpatrick (1992-1993). Il a terminé sa carrière à Euro Disney et coule une paisible retraite -

Philippe Bourguignon (1993-1997). Après son arrivée manquée à Eurotunnel, il cherche une reconversion -

Gilles Pélisson (1997-2001). Après un passage chez Suez, il est aujourd'hui PDG de
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keskonrix

Oui, pour une fois, l'article est vraiment interressant et ne comporte pas trop de conner***! Efninf j'aime bien la derniere phrase !
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Les français détestent les inégalités mais adorent les privilèges . (Anne Roumanoff )

nicowebman

sauf pour Fitzpatrick qui était le big boss depuis le début, 1988 je crois

(en tout cas en 1990 il était bien là !)
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